Historique de la cabane Chanrion

La première cabane de Chanrion fut construite au cours de l’été 1890, sous l’impulsion de la section genevoise du club alpin suisse. Elle comptait 32 places. Les matériaux et outils utiles furent transportés par les hommes de la région depuis la plaine. L’inauguration eut lieu le 23 août 1890.
Dès son ouverture, la cabane Chanrion fut très fréquentée par les clubistes mais aussi par les contrebandiers qui emportaient le mobilier en partant. La section genevoise du club alpin dut, une fois l’automne arrivé et la saison terminée, redescendre tout l’équipement dans la vallée, ceci jusqu’au retour du gardien.
Au service de l'armée
Lors le Première Guerre mondiale, l’armée y installe des fusiliers de montagne. Ils sont en service et certes fatigués de monter la garde mais
«le panorama qui se déploie devant nous nous enchante, moins cependant que la perspective d’un repas dans cette cabane à l’aspect hospitalier ; nous sommes tous de bonne humeur et nous comprenons que c’est ici qu’on oublie la terre et ses douleurs, et nous étudions la géographie de ce merveilleux coin de notre Valais. Nous quittons la cabane le cœur triste en adressant les plus chaleureux remerciements à la section Genevoise. Vive la Suisse !»
La cabane de Chanrion fait preuve d’une résistance exceptionnelle. Elle survit à la guerre et aux cambrioleurs. Ce qui est aussi le cas de son gardien Hubert Bruchez, qui assuma son rôle de gardien durant 50 ans de 1919 à 1969.

L’environnement de la cabane Chanrion a brusquement changé lors de la construction du barrage de Mauvoisin en 1958 et lorsqu’il est surélevé en 1991. Le nouveau lac de retenue long de cinq kilomètres submerge l’ancien chemin qui mène à la cabane. Pour assurer l’accès, on aménage une route carrossable que les randonneurs trouvent plutôt dérangeante, car «on peut aussi, malheureusement il faut le dire, raccourcir le trajet grâce à la jeep qui vous conduira, si vous le désirez, plus haut que la cabane», précise le chroniqueur de la section.
Les alpinistes purs et durs se moquent dès le début de la cabane de Chanrion parce qu’elle n’est pas liée à un sommet important. En 1924, la revue «L’Echo des Alpes» se lance dans un grand plaidoyer en faveur des cabanes «du petit peuple qui se satisfait d’une altitude modeste, qui n’a pas honte de se trouver au milieu des verts pâturages», et elle fait remarquer que «pour tous les citadins ou gens de la plaine, la cabane est la saisissante révélation de la Haute Montagne. Ils y ont passé une journée, une nuit, et c’est une date dans leur vie. Que de fois ils diront: Quand nous étions à Chanrion! Et cette initiation aux nobles jouissances de l’alpe, n’est-ce pas un des buts essentiels du CAS?»
Sur la terrasse au soleil...

La cabane de Chanrion connaît chaque année un succès croissant auprès des randonneurs, des familles et des vététistes. Avec son annexe originale de forme arrondie, elle dispose d’une capacité d’accueil suffisante. Et lorsqu’on est assis sur la terrasse au soleil, on se dit que l’article de 1924 dans «L’Echo» était véritablement prophétique.
D. Balmer
Suisse Tourisme, 150 ans d’alpinisme.